• L’éducation aux médias et à l’information dans les programmes : une avancée ? (Denis Tuchais)

    L’éducation aux médias et à l’information dans les programmes : une avancée ?
    Par Denis Tuchais

    L’éducation aux médias et à l’information dans les programmes : une avancée ?

    Denis Tuchais

    29 mai 2015

    On ne peut que se réjouir de voir apparaître une éducation aux médias et à l’information (EMI) dans les nouveaux programmes, alors même que l’infâme terreur de début janvier faisait (re) surgir la nécessité absolue de mieux former nos élèves dans ce domaine.

     

    Je me suis efforcé, dans ma contribution aux travaux du Conseil supérieur des programmes sur le cycle 4, de donner consistance à cette éducation, inscrite dans l’article 53 de la loi de Refondation de 2013. J’ai tenté à mon humble niveau de répondre à cette commande en m’appuyant sur un principe : la volonté de faire la synthèse de différentes contributions déjà existantes, celle de l’éducation aux médias (Clemi - Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information), celle de l’information-documentation (GRCDI et Fadben - Groupe de recherche sur la culture et la didactique de l’information et Fédération des enseignants documentalistes de l’EN), les textes ministériels existants (Pacifi - Parcours de formation à la culture de l’information) et les expériences d’autres pays (Belgique et Canada). Il n’est pas nécessaire de réinventer la roue.

    Ainsi l’EMI, telle que le groupe de travail que j’ai mené l’a pensée, s’appuie sur le triptyque suivant :

    • «  une connaissance critique de l’environnement informationnel et documentaire du XXIe siècle  »,
    • «  une maîtrise progressive de sa démarche d’information, de documentation  »,
    • «  un accès sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion  ».

    Des professeurs-documentalistes par l’intermédiaire de la FADBEN ont réagi à ces propositions. J’aimerais y répondre ici.

    La première remarque porte sur l’information-documentation dans les programmes. La Fadben regrette que des compétences professionnelles propres au professeur-documentaliste soient transférées à des professeurs de disciplines (histoire et géographie, par exemple), alors que j’aurais plutôt tendance à me féliciter que des contenus d’enseignements disciplinaires ou interdisciplinaires variés relèvent de l’EMI, favorisant ainsi une démarche pédagogique concertée de formation des élèves, associant le professeur-documentaliste et ses collègues. C’est d’ailleurs tout l’enjeu des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), nous y reviendrons.

    Pour le cycle 3, ma position est claire. J’ai transmis au groupe de travail des propositions pour intégrer l’EMI. Mais, ne participant pas aux travaux de ce groupe, je n’ai pu aller au delà et garantir leur prise en compte finale. Cela semble indispensable, au regard de l’investissement pédagogique d’une très grande majorité des professeurs-documentalistes auprès des élèves de 6e.

    L’EMI DANS LE SOCLE

    La deuxième partie de l’analyse de la Fadben porte sur le programme d’EMI du cycle 4 dont j’assume collectivement avec le groupe de travail le contenu final, fruit du débat entre ses différents membres. En démocratie, le résultat du débat argumenté prend toujours la forme d’un compromis démocratique. Pour faire consensus, il faut bien admettre de part et d’autre que le résultat obtenu constitue un pas en avant, même si ce pas n’a pas nécessairement la dimension souhaitée par chacun.

    Je pourrais aussi ajouter que les programmes ont été écrits avec le souci constant d’être orientés vers l’élève. Il ne s’agissait pas d’écrire un référentiel métier du professeur-documentaliste, mais de présenter les compétences attendues en fin de cycle des élèves et que celles-ci soient lisibles par les parents. Il s’agissait d’une injonction forte du ministère.

    La Fadben a été consultée lors de ces travaux, et beaucoup de ses propositions ont été prises en compte, notamment sur les trois champs de connaissances. Mais je ne puis partager le point de vue suivant : «  regretter cependant que ces trois champs ne structurent pas le développement des compétences à construire et des connaissances associées, et ne restent qu’une référence introductive. Les auteurs ont en effet préféré une organisation fondée sur le cinq domaines du socle, choix qui n’est pas sans générer certaines difficultés de lecture et de compréhension.  » Nous avons là une divergence forte, qui s’explique peut-être par une «  opposition absolue au projet global de refondation.  »

    Le cadrage donné par le ministre au CSP était clair : il s’agissait de présenter dans chaque cycle la contribution de chaque discipline ou champ d’enseignement à l’acquisition de chacun des domaines du socle commun. Notre groupe de travail s’en est donc tenu, pour l’EMI, à ce cadre légitimé par la consultation nationale sur le socle qui a fait apparaître la nécessité absolue de relier socle commun et programmes. Ces trois entrées ont permis de définir un certain nombre de compétences et notions propres à l’EMI déclinées selon le nouveau socle. On connaît la difficulté éprouvée par les enseignants lors de la précédente réforme de mettre en cohérence le socle et les programmes.

    A propos des notions, il ne s’agissait pas de produire un inventaire exhaustif, mais de donner des points de repères, non pas en visant la formation d’étudiants en sciences de l’information et de la documentation, mais celle d’élèves de la 5e à la 3e aux médias et à l’information. Chaque professeur, en fonction des élèves qu’il encadre et du travail informationnel et documentaire qu’il accompagne, apprécie jusqu’où il peut préciser les connaissances utiles aux élèves.

    FAISONS CONFIANCE AUX ENSEIGNANTS

    Je partage avec la Fadben l’insatisfaction relative sur le caractère implicite de l’identification du professeur-documentaliste comme référent de l’éducation aux médias et à l’information. Mais, comme je l’ai dit plus haut, c’est le résultat d’un compromis démocratique. Des textes officiels explicitent clairement le rôle du professeur-documentaliste, comme l’arrêté du 1er juillet 2013 : faisons confiance aux équipes pédagogiques et éducatives pour qu’une avancée positive de la formation de tous les élèves aux médias et à l’information soit traduite en actes.

    Finalement, le professeur documentaliste a la chance d’occuper un poste qui a le grand avantage de ne pas être assujetti à un emploi du temps figé. Cette souplesse est liée aux diverses missions dont ils ont la charge (enseignement, gestion des ressources documentaires, ouverture culturelle). C’est un atout que nous devons préserver. Nous avons une place particulière dans l’établissement, qui est sûrement innovante, au rythme lent de notre institution et qui favorise aussi les innovations pédagogiques. Ces innovations pourront, je l’espère, s’épanouir au sein des EPI, à investir pour mettre en œuvre l’EMI.

    Denis Tuchais
    Professeur documentaliste au collège Les Escholiers de la Mosson (Montpellier), membre du groupe de travail Cycle 4 sur les programmes

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