• La Rue de Grenelle est aux mains de « pédagogistes » inamovibles (Jacques Julliard, 19.05.2015)

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    Le Monde | 18.05.2015 à 15h46 • Mis à jour le 19.05.2015 à 09h00 | Par Jacques Julliard (Historien et essayiste)

     
    "Comparez la réforme Vallaud-Belkacem à la réforme avortée de Darcos. L’esprit est le même, seul l’habillage diffère" (photo: Jacques Julliard, le 15 janvier, à son domicile, à Paris). 

    Le débat sur l’école est un classique de la névrose française. Il obéit à des règles codifiées : pédagogistes contre scientifiques, modernistes contre conservateurs, élitistes contre égalitaires. Cet affrontement met chaque fois la France à feu et à sang, mais n’a à peu près aucune incidence sur l’école.

    Il est à la fois dérisoire et lamentable de ramener l’école à un affrontement gauche-droite. Car ni l’une ni l’autre n’ont à se vanter de leur bilan. La droite, parce que le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été dans ce domaine désastreux. On a réduit les crédits, supprimé les instituts universitaires de formation des maîtres sans rien mettre à leur place, escamoté une demi-journée hebdomadaire de travail dans les écoles primaires.

    Quant à la gauche, la plupart des réformes qu’elle a tentées se sont révélées désastreuses. La dernière en date est celle de Vincent Peillon, qui au lieu de rétablir la demi-journée confisquée par Xavier Darcos, a monté une usine à gaz.

    Aller au bout de ses possibilités

    Cela n’a rien d’étonnant, puisque derrière le flux incessant des ministres de gauche et de droite, les mêmes maniaques du bricolage pédagogique sont à la manœuvre. Comparez la réforme Vallaud-Belkacem à la réforme avortée de Darcos. L’esprit est le même, seul l’habillage diffère. Au lieu d’empiler les réformes, on ferait mieux de commencer par un bilan de celles qui ont échoué. On se plaint du conservatisme des profs, de l’élitisme de pseudo-intellectuels, pour détourner le regard des vrais malfaiteurs, les pédagogistes inamovibles de la Rue de Grenelle et des commissions de toutes sortes.

    Lorsque Stanislas Dehaene, professeur de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France, démontre que le seul apprentissage efficace de la lecture est la méthode syllabique, fait-on le bilan des aberrations qui font que près d’un quart des élèves de 6e ne savent pas lire couramment ? Non. Circulez, il n’y a rien à voir !

    J’approuve Jack Lang de réaffirmer l’objectif de l’excellence pour tous. Ce n’est pas un jeu de mots. Ce n’est pas une dérobade. C’est l’expression d’une exigence : le but de l’école n’est pas de faire faire la même chose à tous, il est de permettre à chaque élève d’aller au bout de ses possibilités.

    Qu’il me soit permis, en ma qualité de pseudo-intellectuel, de redire ici quelques convictions qui sont à la base du patrimoine de la gauche en matière d’éducation : l’effort n’est pas de droite, l’excellence n’est pas de droite, la conservation de notre patrimoine culturel n’est pas de droite. Ce sont là des valeurs communes de notre République.

    Des aspects positifs

    Nous n’avons pas, à travers des siècles d’histoire, élevé notre édifice scolaire pour distraire les enfants et assurer une garderie aux parents durant leurs heures de travail. Nous l’avons fait pour que notre jeunesse soit instruite, responsable, capable de jugement critique. Nous l’avons fait encore, Dieu me pardonne, pour que ce pays reste grand.

    L’excellence n’est pas de droite parce que tout républicain, tout socialiste, est persuadé que les distinctions sociales doivent se fonder sur le talent et sur le mérite plutôt que sur l’argent.

    Je ne fais pas de procès à Najat Vallaud-Belkacem. Ses intentions, son ardeur ne sont pas en cause. Il y a dans cette réforme des aspects positifs comme le renforcement de l’autonomie de l’établissement. Mais dans cet ensemble, je ne vois pas de schéma directeur. Je n’y respire pas l’odeur de la République.

    Le risque politique, c’est François Hollande qui le prend en courant celui d’apparaître, lui le successeur de Jaurès et de Blum à la tête du socialisme, comme le fossoyeur de l’esprit classique. Il n’y aura de réforme de l’enseignement réussie que sur la base d’un véritable projet éducatif entre la gauche et la droite, entre les pédagogistes et les scientifiques, entre la bourgeoisie et le peuple. Peut-être y faudra-t-il bientôt un référendum.

     

    • Jacques Julliard (Historien et essayiste)


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