À l'approche de la journée de grève des enseignants, mardi prochain, contre la réforme du collège, le ministère a donné mercredi un petit signe d'apaisement. Najat Vallaud-Belkacem a saisi le Conseil supérieur des programmes (CSP) sur les langues et cultures de l'Antiquité afin qu'il en précise les contours.
Les options ne faisaient pas jusqu'alors partie de la saisine du CSP, au grand agacement des professeurs de lettres classiques, lesquels jugent leur matière affaiblie par la réforme du collège qui doit s'appliquer en 2016. La culture et l'histoire de l'Antiquité seront désormais enseignées par le biais de l'un des huit enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), dénommé «langues et cultures de l'Antiquité», avec un enseignement de complément en langue ancienne pour les élèves qui le souhaitent.
Le CSP va travailler sur les contenus de ces enseignements, en lien avec l'Académie des inscriptions et belles lettres. Après l'annonce de la participation de l'historien Pierre Nora à l'amélioration des programmes d'histoire, c'est une nouvelle façon pour la ministre de mettre de son côté les opposants à la réforme, puisque l'Académie a critiqué le projet. Selon la lettre de saisine de la ministre, les propositions du CSP sont attendues pour le 15 octobre 2015.
«Une réforme extrêmement technocratique»
Le vice-président de la Coordination nationale des associations régionales d'enseignants de langues anciennes, François Martin, se dit «content» de ce «premier pas», mais demande que des heures soient spécifiquement fléchées vers leur enseignement. Le Snes, principal syndicat d'enseignants appelant à la grève la semaine prochaine, lui, n'est guère sensible à ce nouveau petit signe ministériel. Le syndicat, qui ne demande pas le retrait de la réforme comme le Snalc ou FO, demande «la reprise des négociations», a souligné mercredi Frédérique Rolet. La cosecrétaire générale du Snes-FSU s'attend à une «importante» mobilisation mardi, de l'ordre de 40 % dans les collèges. Des défilés seront par ailleurs organisés localement. D'autres actions de type «collèges morts» pourraient être lancées par la suite.
Depuis le début du quinquennat, «nous nous sommes engagés sur la loi sur la refondation de l'école, sur les décrets enseignants, sur le socle. Le dialogue social a fonctionné. Mais, aujourd'hui, nous faisons face à un blocage créé par la ministre», estime Roland Hubert, cosecrétaire général, selon qui la cassure entre le monde enseignant et le gouvernement de gauche «rappelle celle de l'époque Allègre», auteur de la fameuse phrase sur le «dégraissage du Mammouth» et dont le souvenir est devenu un épouvantail pour les enseignants.
«C'est une réforme extrêmement technocratique, fondée sur la multiplication des réunions cadrées et encadrées par différents coordinateurs censés dire ce qu'il faut faire»
Loin devant les débats d'intellectuels sur les programmes scolaires, jugés anecdotiques par le Snes, les points majeurs de blocage sont l'autonomie et l'interdisciplinarité prévues dans la réforme du collège. Le syndicat craint le syndrome de la réunionite aiguë que va nécessiter la mise en œuvre des fameux enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). «C'est une réforme extrêmement technocratique, fondée sur la multiplication des réunions cadrées et encadrées par différents coordinateurs censés dire ce qu'il faut faire.» Le Snes s'y oppose, estimant qu'il s'agit d'une autonomie laissée au chef d'établissement et non aux enseignants. Cette autonomie s'inscrit par ailleurs «dans des choix budgétaires contraints». Selon le Snes, qui a fait ses calculs, la suppression des classes bilangues, l'affaiblissement du latin et du grec ou encore la suppression de l'option «découverte professionnelle» en classe de troisième vont permettre de supprimer 3000 à 4000 postes d'enseignants. Et de les redéployer pour une réforme qui devrait, selon le syndicat, coûter «environ 8000 emplois». Quant au «mythe de l'interdisciplinarité comme remède à l'échec scolaire, il ne faut pas se leurrer», ajoute Frédérique Rolet, cosecrétaire du Snes, jugeant que «c'est surtout adapté aux élèves qui maîtrisent déjà bien la culture scolaire».
Interrogée sur la grève du 19 mai, qui pourrait rassembler «un attelage baroque» d'opposants à la réforme du collège, comme l'affirme le SE-Unsa, elle répond qu'elle ne craint «aucune récupération politique». «L'UMP est extraordinaire, car elle revendique l'autonomie des établissements! Elle est aussi favorable à un collège ségrégatif. Au Snes, nous pensons au contraire que le collège ne doit pas sélectionner.»
Boris Vallaud et Terra Nova aux commandes de la réforme
«De la com', toujours et encore de la com'», fulmine-t-on au Snes concernant l'attitude, «parfois désinvolte», de Najat Vallaud-Belkacem, arrivée en retard au Conseil supérieur de l'éducation, le jour du vote sur la réforme du collège, par exemple. Et de critiquer son manquede connaissances sur les sujets techniques. Un reproche classique un peu facile concernant les ministres… «On aimerait voir moins les membres de son cabinet sur Twitter…», insistent-ils. Le syndicat souligne avec une certaine ironie la «forte implication» dans le pilotage de la réforme, à l'Élysée, du mari de la ministre, Boris Vallaud, au risque d'un «mélange des genres». Cet ancien directeur du cabinet d'Arnaud Montebourg a été nommé secrétaire général adjoint de l'Élysée cet automne.
Les membres du think-tank Terra Nova sont également partie prenante. Au ministère de l'Éducation, c'est Florence Robine, la directrice générale de l'enseignement scolaire, «une personne autoritaire» qui pilote la réforme avec le directeur de cabinet Bertrand Gaume, un normalien «très politique», ancien militant de l'Unef, et Bernard Lejeune, l'undes inspirateurs de l'ancien projetde baisse des rémunérationsdes professeurs de classes prépas.
Que l'UNI (syndicat étudiant marqué à droite) ou l'UMP (parti politique de droite) se raccrochent à la grève pour se faire mousser ne change rien au fait qu'il y a une coalition de syndicats enseignants qui appelle à ladite grève.
Le rôle d'un syndicat est de défendre les conditions de travail de ses adhérents, pas de faire de la politique. Du reste, il vous serait difficile de ranger les syndicats cités à droite...
Alors accoler SNES et UMP, franchement, c'est consternant !
"Alors que la grève du 19 mai est soutenue par le Snalc, par l'UMP et par l'Uni, le Snes récuse tout amalgame".
Mais il ne suffit pas de récuser…. Et la situation est bien celle-ci : le Snes se retrouve en compagnie des syndicats et des partis politiques conservateurs. A sa place en réalité, une place vers laquelle il tend depuis des années. Maintenant, simplement, cela se voit.
Le progressisme et le conservatisme ne sont pas des positions philosophiques qu’on décrète soi-même d’occuper. On peut glisser, sans même s’en apercevoir, du premier au second. Le Snes est en train d'en faire l'expérience.
A quoi tiennent le plus les enseignants ? A avoir les moyens de transmettre dans de bonnes conditions, les connaissances de leur matière, plus particulièrement à ceux qui pourront avoir envie de poursuivre leurs études sur la dite matière. Les rabotages d'une demi-heure sur la totalité de l'horaire discipline du collège, l'incertitude sur les dédoublement de classe, les 20% à mettre dans des activités transversales floues et le risque d'avoir à participer à des concertations inutiles les inquiètent.
Vous avez à ajouter le manque de considération systémique de la hiérarchie qui lui donne des missions infaisables, des contraintes stupides et qui en plus a tendance à leur faire porter l'échec de l'école.
« A quoi tiennent le plus les enseignants ? A avoir les moyens de transmettre dans de bonnes conditions, les connaissances de leur matière, plus particulièrement à ceux qui pourront avoir envie de poursuivre leurs études sur la dite matière ». Et vous pourriez ajouter : « et plus particulièrement encore aux bons élèves ». Et tout sera dit…
Ne pensez-vous pas madame, là encore, que chaque enseignant devrait voir un peu plus loin que SA discipline et que les élèves ont plus besoin « d’une tête bien faite que d’une tête bien pleine » ?
Ce n'est plus le cas et ce ne sera pas le cas : alors comment faire de l'interdisciplinarité avec des programmes disciplinaires qui ne le permettent pas. Le TPE sont un échec ils ne servent qu'à donner des points au bac mais ce qu'en ressortent 90% des élèves : RIEN. On pourrait alors avancer que les TPE ne profitant, au niveau compétences, qu'à 10% des élèves est un dispositif élitiste donc à supprimer....
De plus, on ne peut pas créer une tête bien faite sur du VIDE. Comme on ne peut pas apprendre à apprendre sans rien avoir à apprendre. C'est du bon sens. Arrêter d'opposer les deux.
La force de l'être humain est d'arriver à transmettre ce que les générations précédentes ont découvert et maintenant il faudrait que les élèves redécouvrent tout. Arrêtons l'école, avec cette philosophie elle ne sert à rien. Il faudra alors espérer que chaque génération arrive à redécouvrir tout ce qui a été fait précédemment.
Pas gagner. Finalement je suis contente d'être née à une époque où l'on a préféré me donner une tête bien pleine avec des exercices d'analyses et de synthèses me permettant de la rendre bien faite.
Si je comprends bien, actuellement (donc avant même la mise en application de la réforme), votre enseignement consiste à faire REDECOUVRIR par vos élèves le VIDE des programmes disciplinaires grâce aux TPE ELITISTES.
Et vous ne voulez pas que les choses changent … !?