• http://www.lefigaro.fr/politique/2015/05/18/01002-20150518ARTFIG00372-jean-paul-brighelli-dlf-la-reforme-du-college-ne-verra-jamais-le-jour.php

    Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout La France.

     

    Lors d'une conférence de presse consacrée à la réforme du collège, l'enseignant devenu délégué national à l'instruction publique de Debout la France, a taillé en pièces la réforme de Najat Vallaud-Belkacem.

    Jean-Paul Brighelli, l'enseignant investi depuis quelques mois au sein du parti de Nicolas Dupont-Aignan, Debout la France, où il occupe désormais le poste de délégué national à l'instruction publique, ne croit pas du tout à l'aboutissement de l'actuelle réforme du collège. «De toutes façons, cette réforme ne verra jamais le jour pour une raison simple: on est déjà en train de créer des commissions sur le latin-grec, l'allemand, l'histoire qui devront rendre leur conclusion en octobre», a-t-il observé lundi, durant une conférence de presse.

    Armé d'un calendrier, Jean-Paul Brighelli estime qu'une fois écoulé le temps des discussions portant sur ces commissions, on sera en décembre et les éditeurs n'auront plus les moyens de concevoir les nouveaux manuels dans de bonnes conditions. Il pense également que les conseils départementaux, chargés de financer les ouvrages et dont beaucoup sont passés à droite aux élections départementales, pourraient hésiter à considérer ces éditions comme une nécessité absolue. Sans compter, toujours selon Brighelli, que l'adoption des manuels dépendrait in fine de la bonne volonté des enseignants. «Entretemps nous serons arrivés en janvier ou février 2017», prévient-il enfin, avant d'imaginer que les priorités auront changé.

    Réforme ou pas, Brighelli a dénoncé avec force les artisans du projet. «Plus que des idéologues, ce sont des incapables», a-t-il jugé en ironisant au passage sur la ministre de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem. «Elle a finalement atteint son niveau d'incompétence très jeune», a-t-il moqué. Quant au premier ministre, l'enseignant n'a pas été plus tendre: «Que Manuel Valls se soit laissé avoir par cette réforme en dit long sur l'amateurisme absolu en matière d'éducation de tous ces gens-là.»

    Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout La France, qui avait déjà demandé un arrêt immédiat de cette réforme, a annoncé deux initiatives de son mouvement à la veille de la manifestation nationale prévue mardi à Paris: une lettre destinée à tous les enseignants de France, pour dénoncer les contresens d'une réforme qui ne fera qu'accentuer la dérive continuelle de l'enseignement, ainsi qu'une liste de vingt propositions pour une nouvelle politique pour l'école, du primaire au collège.

    «On ne vient pas en classe comme on se rend au supermarché. On y va pour se construire une culture et un avenir.»

    Nicolas Dupont-Aignan

    «Cette manifestation, j'en suis convaincu, prendra date dans l'histoire de ce quinquennat parce que quand on touche à l'instruction publique, creuset de la République, les Français se sentent concernés», a jugé le président de DLF en annonçant sa participation au mouvement de protestation mardi. Dans sa lettre «sentimentale» adressée aux enseignants, Nicolas Dupont-Aignan insiste sur l'urgence d'une mobilisation contre le projet gouvernemental. «Aujourd'hui, l'heure est grave. Le gouvernement propose une réforme du collège qui va accroître davantage encore le fossé entre les élèves les plus démunis et les autres», a prévenu le député de l'Essonne avant de conclure: «On ne vient pas en classe comme on se rend au supermarché. On y va pour se construire une culture et un avenir.»


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  • http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/05/18/la-rue-de-grenelle-est-aux-mains-de-pedagogistes-inamovibles_4635612_3232.html

    Le Monde | 18.05.2015 à 15h46 • Mis à jour le 19.05.2015 à 09h00 | Par Jacques Julliard (Historien et essayiste)

     
    "Comparez la réforme Vallaud-Belkacem à la réforme avortée de Darcos. L’esprit est le même, seul l’habillage diffère" (photo: Jacques Julliard, le 15 janvier, à son domicile, à Paris). 

    Le débat sur l’école est un classique de la névrose française. Il obéit à des règles codifiées : pédagogistes contre scientifiques, modernistes contre conservateurs, élitistes contre égalitaires. Cet affrontement met chaque fois la France à feu et à sang, mais n’a à peu près aucune incidence sur l’école.

    Il est à la fois dérisoire et lamentable de ramener l’école à un affrontement gauche-droite. Car ni l’une ni l’autre n’ont à se vanter de leur bilan. La droite, parce que le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été dans ce domaine désastreux. On a réduit les crédits, supprimé les instituts universitaires de formation des maîtres sans rien mettre à leur place, escamoté une demi-journée hebdomadaire de travail dans les écoles primaires.

    Quant à la gauche, la plupart des réformes qu’elle a tentées se sont révélées désastreuses. La dernière en date est celle de Vincent Peillon, qui au lieu de rétablir la demi-journée confisquée par Xavier Darcos, a monté une usine à gaz.

    Aller au bout de ses possibilités

    Cela n’a rien d’étonnant, puisque derrière le flux incessant des ministres de gauche et de droite, les mêmes maniaques du bricolage pédagogique sont à la manœuvre. Comparez la réforme Vallaud-Belkacem à la réforme avortée de Darcos. L’esprit est le même, seul l’habillage diffère. Au lieu d’empiler les réformes, on ferait mieux de commencer par un bilan de celles qui ont échoué. On se plaint du conservatisme des profs, de l’élitisme de pseudo-intellectuels, pour détourner le regard des vrais malfaiteurs, les pédagogistes inamovibles de la Rue de Grenelle et des commissions de toutes sortes.

    Lorsque Stanislas Dehaene, professeur de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France, démontre que le seul apprentissage efficace de la lecture est la méthode syllabique, fait-on le bilan des aberrations qui font que près d’un quart des élèves de 6e ne savent pas lire couramment ? Non. Circulez, il n’y a rien à voir !

    J’approuve Jack Lang de réaffirmer l’objectif de l’excellence pour tous. Ce n’est pas un jeu de mots. Ce n’est pas une dérobade. C’est l’expression d’une exigence : le but de l’école n’est pas de faire faire la même chose à tous, il est de permettre à chaque élève d’aller au bout de ses possibilités.

    Qu’il me soit permis, en ma qualité de pseudo-intellectuel, de redire ici quelques convictions qui sont à la base du patrimoine de la gauche en matière d’éducation : l’effort n’est pas de droite, l’excellence n’est pas de droite, la conservation de notre patrimoine culturel n’est pas de droite. Ce sont là des valeurs communes de notre République.

    Des aspects positifs

    Nous n’avons pas, à travers des siècles d’histoire, élevé notre édifice scolaire pour distraire les enfants et assurer une garderie aux parents durant leurs heures de travail. Nous l’avons fait pour que notre jeunesse soit instruite, responsable, capable de jugement critique. Nous l’avons fait encore, Dieu me pardonne, pour que ce pays reste grand.

    L’excellence n’est pas de droite parce que tout républicain, tout socialiste, est persuadé que les distinctions sociales doivent se fonder sur le talent et sur le mérite plutôt que sur l’argent.

    Je ne fais pas de procès à Najat Vallaud-Belkacem. Ses intentions, son ardeur ne sont pas en cause. Il y a dans cette réforme des aspects positifs comme le renforcement de l’autonomie de l’établissement. Mais dans cet ensemble, je ne vois pas de schéma directeur. Je n’y respire pas l’odeur de la République.

    Le risque politique, c’est François Hollande qui le prend en courant celui d’apparaître, lui le successeur de Jaurès et de Blum à la tête du socialisme, comme le fossoyeur de l’esprit classique. Il n’y aura de réforme de l’enseignement réussie que sur la base d’un véritable projet éducatif entre la gauche et la droite, entre les pédagogistes et les scientifiques, entre la bourgeoisie et le peuple. Peut-être y faudra-t-il bientôt un référendum.

     

    • Jacques Julliard (Historien et essayiste)


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  • http://www.liberation.fr/politiques/2015/05/15/il-faut-remplacer-le-college-unique-par-un-college-diversifie_1310210

    ALAIN AUFFRAY 15 MAI 2015 À 19:56 (MIS À JOUR : 16 MAI 2015 À 12:19)
     

    A Paris, le 4 novembre 2014.A Paris, le 4 novembre 2014. (Photo Albert Facelly)

    INTERVIEW

    Bruno Le Maire, député UMP, plaide pour la suppression de la deuxième langue pour tous et la constitution d’un seul corps de professeurs du CP à la troisième.

    A la pointe du combat contre la réforme du collège, le député UMP Bruno Le Maire a grillé la politesse à tous ses aînés, Sarkozy, Juppé et Fillon. Probable candidat à la primaire qui désignera le candidat de la droite à l’élection présidentielle, il dévoile pour Libération les principes d’une politique éducative dont la droite doit faire, selon lui, sa priorité : remplacement du collège unique par un «collège diversifié» où des options professionalisantes seraient proposées dès la sixième ; fusion des instituteurs et des enseignants de collège dans un corps unique de professeurs polyvalents encadrant toute la scolarité obligatoire, du CP jusqu’à la troisième. Des mesures radicales, selon lui plus «justes» que le«nivellement» prôné par la gauche.

    Des élèves qui régressent en français, en maths et en histoire ; 140 000 décrocheurs chaque année. N’est-ce pas aussi le bilan de la droite ?

    Le plus grand scandale de la République, c’est l’échec de notre école qui est incapable de valoriser les talents de nos enfants, de leur donner des perspectives d’épanouissement et de réussite sociale. Cet échec national nous concerne tous.

    La France est l’un des pays les plus injustes, celui où l’origine sociale a le plus d’influence sur le destin des élèves. Najat Vallaud-Belkacem explique qu’elle veut changer ça. Comment lui donner tort ?

    Sa réforme lui donne tort : elle uniformise, au lieu de diversifier, elle nivelle, au lieu de tirer vers le haut. Ce n’est pas comme cela qu’on offrira les mêmes chances à chacun. Elle supprime par exemple les classes bilangues pour donner une deuxième langue à tous dès la classe de 5e. Il aurait mieux valu amener un plus grand nombre vers ces classes, qui marchent. Je crois surtout à la diversification des parcours et à la reconnaissance de la diversité des talents. On peut avoir des intelligences dans le domaine manuel comme en français ou en mathématiques. Cela doit être reconnu.

    En réalité, ces classes bilangues que vous défendez servent souvent à échapper à la mixité sociale dans des classes jugées trop hétérogènes…

    Je ne le conteste pas. Je dis que sur la base de ce constat, il y a deux orientations possibles. Soit on se bat pour diversifier le recrutement de ces classes en les ouvrant aux élèves de milieux plus modestes : c’est mon choix, celui de l’excellence pour chacun. Soit on impose une deuxième langue pour tous en classe de 5e : c’est le choix du gouvernement. Or soyons réalistes : est-ce que les élèves de 5e qui ont des difficultés en français pourront apprendre correctement une deuxième langue ? La réponse est non. Mieux vaudrait faire le maximum pour aider ces enfants à rattraper leur retard. Je préfère une égalité réelle à une égalité théorique. Parce que ce projet ne garantit pas la maîtrise des connaissances fondamentales, il aggravera les inégalités.

    Vous voulez donc supprimer la deuxième langue vivante obligatoire au collège ?

    Deux langues, ce n’est pas une priorité. Nous avons des jeunes en classe de 3e qui sont incapables d’aligner deux phrases correctes en français. Ces enfants sont condamnés à l’échec, parce que nous ne leur avons pas donné la maîtrise des savoirs fondamentaux, qui garantit la liberté dans la société.

    Ce qui inspire cette réforme, c’est l’idée que la mixité sociale serait la condition d’une école plus juste et plus performante. Vous contestez cela ?

    La gauche veut amener tout le monde au baccalauréat. Je conteste cette obsession. Je regrette que la droite ait suivi ce chemin. Notre objectif ne doit pas être 80% d’une classe d’âge au baccalauréat, mais 100% avec un emploi. Sortons de Bourdieu ! La reproduction sociale commence par le chômage. La liberté se trouve dans la capacité à prendre sa place dans la société. Je réitère ma proposition de débat au Premier ministre.

    Il faut donc, selon vous, renoncer au collège unique ?

    Je propose de remplacer le collège unique par un collège diversifié. Il serait fondé sur un socle de connaissances comprenant le français, les maths, l’histoire et une langue étrangère. Ces quatre matières fondamentales devraient être maîtrisées parfaitement, grâce à un accompagnement personnalisé réservé aux collégiens en difficulté.

    Comment s’organiserait, concrètement ce collège diversifié ?

    Ce tronc commun représenterait une vingtaine d’heures par semaine. On y ajouterait six à huit heures dédiées aux options. Que ceux qui sont doués pour les nouvelles technologies ou la mécanique par exemple puissent en faire vraiment sérieusement, comme pour le sport ou les langues. Imposer à chacun un moule unique, c’est une souffrance pour les élèves, leurs parents et leurs professeurs.

    Dans votre collège, certains collégiens seraient, de facto, orientés dès la 6e vers la voie professionnelle ?

    Non ! C’est un mauvais procès. Je dis juste : garantissons l’acquisition des connaissances fondamentales et reconnaissons la diversité des parcours. De sorte qu’en fin de 3e, l’orientation n’apparaisse pas comme une sanction. Que se passe-t-il aujourd’hui ? On évalue exclusivement sur des compétences académiques. En gonflant les notes, on fait croire aux collégiens qu’ils ont le niveau pour passer en classe supérieure. Et en 3e, on finit par leur dire «désolé, la voie générale ce n’est pas pour vous». Je préfère des jeunes en filière professionnelle épanouis plutôt que ces millions de chômeurs que nous avons fabriqués depuis trente ans, droite et gauche confondues, en envoyant des générations vers des filières universitaires qui ont des taux d’employabilité très faibles.

    C’est donc bien, au minimum, une préprofessionnalisation que vous préconisez !

    Ce n’est pas ce que je propose ! Prenons un élève qui a choisi de découvrir la mécanique : il pourra très bien rattraper son retard en français grâce à l’accompagnement personnalisé. Rien ne lui interdit, en 5e, de prendre une autre option et de découvrir un autre parcours. Le plus important est que chaque élève trouve sa voie.

    Depuis les années 80, la droite réclame l’autonomie des établissements scolaires. Mais curieusement, elle n’en fait rien quand elle est au pouvoir…

    Si la droite avait réussi, nous aurions été réélus. Oui, il faut donner plus de responsabilité aux enseignants. Mais pourquoi vouloir encadrer cette autonomie dans l’usine à gaz des «enseignements pratiques interdisciplinaires» ? La droite a trop longtemps considéré que l’éducation était la chasse gardée de la gauche. Nous devons en faire notre priorité pour les dix prochaines années.

    Najat Vallaud-Belkacem n’est pas la plus mal placée pour parler d’élitisme républicain. Elle en est elle-même l’incarnation…

    Je ne fais aucune attaque personnelle, contrairement au Parti socialiste et aux membres du gouvernement. 250 parlementaires ont signé ma lettre ouverte au chef de l’Etat, et plus de 20 000 citoyens. Je suis comptable auprès de chacun d’eux du sérieux et de la dignité de mes propositions.

    Faut-il réformer aussi le métier d’enseignant ?

    Je propose de constituer un seul corps de professeurs du CP à la fin du collège, c’est-à-dire pour toute la scolarité obligatoire. Il faut des possibilités de bivalence, ce qui permettrait de répondre au besoin de passerelles entre les disciplines. Le service hebdomadaire des enseignants serait de vingt heures environ au collège. En compensation, nous devons garantir aux professeurs - dont la gestion de carrière doit être retirée aux syndicats - de meilleures conditions de travail, avec une revalorisation salariale significative, des salles de travail plus dignes. Il faut aussi rétablir leur autorité : à l’école, ce ne sont pas les élèves ou les parents qui font la loi, mais les professeurs. Nous devons enfin réfléchir à la deuxième carrière que nous pourrions offrir aux enseignants, qui, au bout de dix ou quinze ans, voudraient passer à autre chose.

    Vous imaginez l’ampleur des protestations qui accueilleront de telles propositions ?

    Et pourquoi donc ? Il est temps que nous assumions des changements en profondeur. La formation pédagogique doit aussi être revue. Comme agrégé, spécialiste de Marcel Proust, je suis formé à tout sauf à enseigner en collège. Parce que mon savoir est inversement proportionnel à mes compétences pédagogiques. Avec ce nouveau corps d’enseignants, je propose de trouver le bon équilibre entre savoir et maîtrise pédagogique.

    Le projet de réforme des programmes ferait, selon vous, trop de peu de place au «roman national». Le cours d’histoire doit-il être un cours d’identité nationale ?

    Je condamne cette tendance à aller gratter les plaies de l’histoire de France. On peut regarder en face son histoire, avec ses heures de gloires et ses heures sombres, sans céder à cette obsession maladive. Pourquoi mettre en avant la traite négrière et la colonisation et rendre facultatives les Lumières ? Une nation est son histoire, et les Lumières sont au cœur de notre Histoire. On ne peut pas défiler le 11 janvier en disant «je suis Charlie» et renoncer à dire «je suis Voltaire». Le rôle de l’histoire au collège, c’est de faire comprendre à chaque élève qu’il appartient à une nation dont il peut être fier. Oui, je reprends le mot de roman national. Il ne peut pas y avoir de nation ni de destin commun sans connaissance de ce roman. Il ne peut pas y avoir d’intégration sans partage de mémoire.

    Recueilli parAlain Auffray

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  • http://www.liberation.fr/politiques/2015/05/17/pourquoi-la-reforme-du-college-doit-se-faire_1311120

    17 MAI 2015 À 18:16

    Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem dans un établissement scolaire de Créteil le 17 avril.Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem dans un établissement scolaire de Créteil le 17 avril. (Photo Sébastien Calvet)

    TRIBUNE

    Le Premier ministre défend dans «Libération» la réforme du collège proposée par le gouvernement, contre les critiques de la droite et d'une partie de la gauche.

    Parmi les grandes avancées républicaines, il y a l’école. L’école laïque, gratuite et obligatoire. Son ambition – certains, déjà, à l’époque, la qualifiaient de démesurée : permettre à chacun de s’élever, casser les privilèges, faire que la naissance et le milieu social ne dictent pas le destin des enfants. Grande et belle ambition  ! Qui a encore toute son actualité.

    • Par Alain Auffray

    La République a fait l’école. Et l’école a fait la République, en formant les ­citoyens, en leur permettant d’acquérir les connaissances nécessaires, en leur donnant les moyens d’une pensée libre et indépendante. De génération en génération, elle a accompli sa mission, grâce à ses maîtres, ses professeurs, ses personnels éducatifs. Tous ont mis leur enthousiasme, leurs compétences au service de la jeunesse. Je sais combien d’énergie il leur faut au quotidien car, trop souvent, on demande à l’école de résoudre tous les problèmes de la ­société. La nation doit avoir pour ces «hussards noirs» –  même si l’expression est, malheureusement, désuète  – une profonde gratitude.

    Notre école n’a pas failli. Pourtant, les études internationales le montrent de manière indiscutable  : elle est devenue l’une des plus inégalitaires d’Europe. C’est-à-dire qu’elle avance à rebours de sa promesse initiale. Il fallait donc agir.

    Comment, en effet, accepter qu’un enfant né de parents modestes ait moins de chances de réussite qu’un enfant issu de classes sociales plus favorisées  ? Comment accepter que notre système éducatif n’arrive pas à promouvoir tous les talents, que les collégiens soient si nombreux à ne pas maîtriser les ­compétences fondamentales, et si nombreux à ne pas maîtriser les langues étrangères  ?

    Dans le monde actuel –  monde globalisé, monde d’échanges  –, c’est envoyer nos enfants, et donc notre pays, vers une impasse. Comment accepter, ­enfin, que notre société laisse de côté, tous les ans, 150 000 jeunes sortant du système scolaire sans diplôme ni qualification ? Parmi eux, 34% ont un père ouvrier, seulement 10% un père cadre supérieur.

    L'ÉCOLE NE PEUT PAS TOUT

    Notre école n’est plus le rempart qu’elle devrait être contre la reproduction ­sociale. Au contraire : elle l’encourage, elle fabrique de l’échec, de l’exclusion. Et donc du désespoir. C’est pourquoi le président de la République a décidé la refondation de l’école. Cette démarche globale, cohérente, initiée avec détermination par Vincent Peillon, a fait l’objet d’une consultation nationale.

    Nous avons rétabli la formation initiale des enseignants –  elle avait été supprimée par la majorité précédente !

    Nous avons donné la priorité au primaire en ouvrant près de 9 000 postes –  9 000 avaient été fermés entre 2007 et 2012  –, en favorisant de nouvelles pratiques pédagogiques.

    Nous avons relancé la lutte contre ce fléau qu’est le décrochage scolaire, et permis une meilleure orientation des bacheliers vers l’enseignement supérieur. Tout cela s’accompagnant de la création de 60 000 postes en cinq ans. 35 200 ont déjà été créés.

    L’ambition que nous avons doit être partagée par tous les partenaires de l’école, et en premier lieu les familles. L’école peut beaucoup, mais elle ne peut pas tout, toute seule. C’est l’enjeu du travail que l’Education nationale va mener avec les collectivités locales pour favoriser la mixité sociale dans les établissements. Dans ce domaine, nous avons pris beaucoup de retard. Il faut parer aux contournements insidieux de la carte scolaire qui minent notre pacte républicain.

    Aujourd’hui, la refondation de l’école se poursuit  : la réforme du collège en est une nouvelle étape. Elle est portée avec courage et sens du dialogue par Najat Vallaud-Belkacem, première femme ministre de l’Education nationale. Elle sait de quoi elle parle –  pour en être un exemple  – quand elle défend une école moteur de l’ascension ­sociale.

    Cette réforme du collège se fera, car c’est une réforme pour l’égalité. Trop souvent, le collège est devenu un «lieu de tri» entre ceux qui «mériteraient» de poursuivre au lycée et vers l’enseignement supérieur, et ceux qui ne pourront pas. Or, l’école républicaine doit avoir comme objectif de faire ­réussir chacun, en permettant à tous nos enfants de donner une pleine ­expression de leurs capacités. A chaque étape de la scolarité, ses choix d’orientation.

    Je refuse de penser qu’une vie se décide quand on a 11 ou 12 ans, et que les orientations futures se déterminent dès l’entrée au collège. Tous les enfants doivent pouvoir accéder aux filières pour lesquelles ils ­montreront le plus d’aptitudes. Dans ce ­cadre, l’enseignement professionnel ne doit pas être un choix par défaut. Il doit participer de l’excellence de notre école.

    CONTRE-VÉRITÉS

    Beaucoup de contre-vérités ont été ­dites sur cette réforme. Beaucoup de phantasmes, de peurs ont été ent­re­tenus. Les conservatismes, les immobilismes ont joué de surenchères et de ­démagogie. Alors, disons les choses clairement. Quand on permet à 100% des élèves d’apprendre une seconde langue vivante dès la cinquième ­– contre, aujourd’hui, 16% d’élèves en classes bilangues et 11% en classes européennes – ; quand on démocratise l’accès au latin et au grec ; quand on permet à tous les élèves, y compris les plus fragiles, les plus timides, de prendre de l’assurance et de progresser, on tire tous les collégiens vers le haut. On est donc fidèles à l’école de la Répu­blique. On renforce, par conséquent, ­notre pays.

    Au cœur de cette réforme, il y a la ­confiance accordée aux équipes pédagogiques, à leur professionnalisme, leur inventivité. Après tout, ce sont ­elles qui connaissent le mieux les ­attentes et les besoins de leurs élèves. Elles doivent donc bénéficier de souplesse, de marges de manœuvre, afin de les faire progresser, de toujours mieux les intéresser, de travailler parfois autrement.

    Dorénavant, chaque collège décidera de 20% de l’emploi du temps des élèves, consacré à du travail en petits groupes, à l’accompagnement personnalisé et aux enseignements pluridisciplinaires. Cette mesure était demandée. C’est une grande avancée.

    Une consultation est en cours sur l’évolution des programmes. C’est une très bonne chose. Nous avons besoin de l’avis des enseignants, mais aussi de l’éclairage précieux des experts. ­L’histoire –  Pierre Nora et d’autres mettent en garde, à juste titre  – ne doit pas être l’enseignement d’une «culpabilité ­nationale», mais une source de cohésion, de fierté, et aussi de vigilance en tirant les enseignements lucides du passé. La ­cohésion, c’est aussi un ­enseignement laïc des religions, pour s’ouvrir à l’autre, pour apprendre la tolérance.

    J’écoute les critiques. Elles me surprennent. Certains –  à droite comme à gauche…  – invoquent l’excellence républicaine. Mais de quoi parlons-nous ? Ceux qui entretiennent volontairement la ­confusion entre excellence et élitisme sont, en fait, les promoteurs cyniques d’une excellence «réservée».

    Que l’on m’explique en quoi excellence et égalité sont inconciliables  ? Pardon, mais je vois une forme, au mieux de schizophrénie intellectuelle, au pire de mauvaise foi, à faire le constat d’une école qui va de plus en plus mal et, dans un même mouvement, se dresser contre toutes les tentatives qui visent à la ­réformer.

    L'INTÉRÊT DE NOS ENFANTS

    Le débat n’est pas entre «élitisme» et «égalitarisme». Il est entre ceux qui pensent que certains peuvent réussir uniquement si l’on condamne une ­partie de nos enfants à l’échec, et ceux qui pensent que tous peuvent – et méritent – de réussir. Entre une vision ­conservatrice de l’école, et une vision réellement républicaine, à la fois exigeante, méritocratique et généreuse.

    Finalement, cette réforme du collège renvoie à des tendances plus profondes qui traversent notre société. Si nous ­réformons la France, si nous la mettons en mouvement, c’est pour ­lever les ­blocages qui l’entravent, qui freinent les initiatives. C’est pour lutter contre ce sentiment ambiant qui voudrait que tout était mieux avant et que rien ne devrait changer.

    Le monde change, la France doit s’adapter, se mettre en ordre de ­marche, notamment en préparant sa jeunesse, en mettant toutes les chances de son côté. J’invite, plutôt que d’utiliser l’école  – ce bien commun  – à des fins partisanes, à nous retrouver sur l’essentiel : l’intérêt de nos enfants. C’est la seule chose qui doit compter.

    Par Manuel Valls, Premier ministre

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  • La ministre de l'Education nationale dénonce «la manipulation de l'opinion publique» entourant la réforme du collège.

    http://www.leparisien.fr/societe/colleges-vallaud-belkacem-denonce-un-enfumage-de-l-opinion-publique-17-05-2015-4777927.php17 Mai 2015, 10h27 | MAJ : 17 Mai 2015, 11h12

     
    Paris, dimanche. La ministre de l'Education nationale «regrette la tournure des débats» sur la réforme du collège.Paris, dimanche. La ministre de l'Education nationale «regrette la tournure des débats» sur la réforme du collège.
    Europe 1

    Najat Vallaud-Belkacem défend sa réforme, ce dimanche, lors du «Grand Rendez-vous» Europe 1 - «Le Monde» - i>Télé.

    «La réforme du collège doit entrer en vigueur», martèle la ministre de l'Educationnationale. «Ne pas réformer, ce serait continuer à avoir 1 élève sur 4 qui ne maîtrise pas les fondamentaux en français, 1 sur 5 en maths, 140 000 par an qui sortent du système. Depuis des décennies, nous avons imposé un cadre trop rigide aux établissements scolaires. C'est pourquoi la réforme contient le surcroît d'autonomie pour les établissements», explique-t-elle.

    «Si j'avais entendu qu'il s'agissait de supprimer le latin, de réduire la place de l'allemand, je serais contre» cette réforme, assure par ailleurs Najat Vallaud-Belkacem. Mais «c'est le résultat d'un matraquage, d'un enfumage et de la manipulation de l'opinion publique. Je regrette la tournure des débats», explique-t-elle.

    «Il n'a jamais été question de faire disparaître l'histoire des Lumières»

    Concernant la réforme des programmes, qui est un projet mené en parallèle de la réforme du collège,  la ministre rappelle que «réformer les programmes est toujours un exercice délicat. C'est une instance indépendante qui s'en occupe». Et d'assurer qu'«il n'a jamais été question pour personne de faire disparaître l'histoire des Lumières. L'enseignement laïque du fait religieux reste présent».

    Elle met également l'accent sur l'importance du travail en équipe du corps enseignant. «La mission des enseignants a évolué depuis 2014. Il n'y a plus que le face-à-face avec les élèves, mais aussi le travail en équipe». Elle précise d'ailleurs que ce travail «sera compris dans leur obligation de service réglementaire».

    Enfin, Najat Vallaud-Belkacem dénonce les propositions faites par Bruno Le Maire (UMP), auteur d'une lettre signée par plus de 160 parlementaires et dans laquelle il écrit qu'«avec cette réforme, votre majorité abandonne l'excellence républicaine et choisit le nivellement par le bas». «Bruno Le Maire propose de distinguer dès 11 ans ceux auxquels ont apprendra la mécanique et ceux auxquels on apprendra les humanités», fustige la ministre.

    Dans une interview à «Libération» samedi, Bruno Le Maire a notamment proposé un «collège diversifié» avec la suppression de la deuxième langue pour tous. ll prône un «socle de connaissances comprenant le français, les maths, l’histoire et une langue étrangère». «On y ajouterait six à huit heures dédiées aux options. Que ceux qui sont doués pour les nouvelles technologies ou la mécanique par exemple puissent en faire vraiment sérieusement, comme pour le sport ou les langues». «Je préfère des jeunes en filière professionnelle épanouis plutôt que ces millions de chômeurs que nous avons fabriqués depuis trente ans.»


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