• Manifestation de lycéens contre la suppression de postes d'enseignants en 2008.

     

    FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour protester contre la réforme du collège, les syndicats d'enseignants ont appelé à une journée de grève, le mardi 19 mai. Jean-Rémi Girard, secrétaire national à la pédagogie du SNALC, expose les raisons qui le poussent à manifester.


    Jean-Rémi Girard est secrétaire national à la pédagogie du SNALC-FGAF


    Je manifesterai car je ne suis pas d'accord avec la réforme du collège proposée, que ce soit dans ses grands principes comme dans ses détails. Je pense sincèrement que cette réforme n'aidera pas les élèves, voire qu'elle empirera la situation actuelle, qui n'est déjà pas glorieuse.

    Je manifesterai car c'est mon moyen de répondre à la désinformation du ministère et du gouvernement, qui nous vendent sur les plateaux télé et radio des «heures d'accompagnement» ou encore du «latin pour tous», alors que c'est faux.

    Je manifesterai car c'est mon moyen de répondre à la désinformation du ministère et du gouvernement, qui nous vendent sur les plateaux télé et radio des «heures d'accompagnement» ou encore du «latin pour tous», alors que c'est faux. L'accompagnement ne viendra pas en supplément des heures de cours, mais sera pris dessus. Si on fait une heure d'accompagnement, on aura une heure de cours en moins. Cet «accompagnement», c'est de la com', et rien d'autre.

    Je manifesterai car avec cette réforme, tous les élèves auront moins d'heures de cours. Il n'y a qu'à l'Éducation nationale qu'on essaye encore de nous faire croire qu'on apprend mieux en travaillant et en apprenant moins. Aujourd'hui, un élève de 6e en difficulté dispose généralement de 6h de français par semaine (5h de cours + 1h d'accompagnement). Après la réforme, il n'aura plus que 4h30 (accompagnement compris!). Et on ose nous dire que cette réforme va améliorer le niveau des élèves dans les connaissances fondamentales et nous faire remonter la pente dans les enquêtes nationales et internationales? À d'autres!

    Je manifesterai car on nous vend des projets interdisciplinaires obligatoires qui devront être faits sur nos heures de cours (et non en plus), qui seront abominables à organiser, souvent éloignés de nos disciplines et qui n'aideront pas les élèves à mieux réussir, car ils contribueront à déstructurer davantage encore notre enseignement. Il en va de même de la possibilité de moduler les horaires, qui est proprement scandaleuse.

    Il n'y a qu'à l'Éducation nationale qu'on essaye encore de nous faire croire qu'on apprend mieux en travaillant et en apprenant moins.

    Je manifesterai car on perd des heures en français et en maths.

    Je manifesterai car on perd des heures en sciences, et qu'on mélange en un brouet infâme physique-chimie, technologie et sciences de la vie et de la terre en 6e, avec la possibilité que le prof d'une seule des disciplines en enseigne deux, voire les trois. Et c'est comme ça qu'on va former les futurs scientifiques dont nous avons besoin?

    Je manifesterai car, sous prétexte d'un renforcement de l'allemand, ma collègue va perdre son poste, et qu'elle ne sera pas la seule du fait de la disparition des bilangues et des sections européennes, et de la fragilisation des langues régionales.

    Je manifesterai car, contrairement à ce que notre ministre ose affirmer, non, il n'y aura pas de latin pour tous. Au contraire, les horaires de latin vont diminuer d'1h par niveau, quand ils existeront (car ils devront désormais être négociés localement)! Quant aux «projets interdisciplinaires» censés apporter la culture latine, ils auront lieu à la place d'heures de français!

    Le «collège 2016» n'aura qu'un seul effet: pousser une partie des parents à se tourner vers le privé.

    Je manifesterai car mon syndicat, le SNALC, n'est pas dans l'opposition stérile, et qu'il propose depuis plus de 2 ans un projet alternatif, le «collège modulaire», dont les principes sont déjà expérimentés dans plusieurs établissements avec succès. Centré sur la maîtrise des fondamentaux sans interdire l'excellence et tout en préservant la mixité sociale, ce projet est autrement plus efficace que cette réforme inepte. Le «collège 2016» n'aura qu'un seul effet: pousser une partie des parents à se tourner vers le privé, qui fait déjà savoir qu'il aura les moyens de contourner et de proposer ce que le le public n'offrira plus. Sous prétexte d'égalité, on nous impose une réforme qui accroîtra les disparités sociales et scolaires.

    Je manifesterai car je défend l'école de la République, celle qui a fait réussir ma grand-mère fille naturelle en Lozère et mon grand-père orphelin. Aujourd'hui, je ne crois pas que ce qu'on nous propose soit de nature à renforcer la méritocratie, ni même à la permettre. Bien au contraire, on construit deux écoles: une pour les riches, une pour les pauvres.


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  • FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour Alban Gerard, l'enseignement des langues mortes permet à l'homme de se confronter à son passé et à structurer son esprit.


    Responsable d'activité dans un groupe de protection sociale, Alban Gerard est le fondateur desGavroches.

    Les Gavroches convoquent l'imaginaire des Misérables pour réinventer un roman national. Ces enfants des barricades, amoureux des arts, s'engagent pour replacer le débat politique dans la rue et créer le dialogue.


    Pourrait-on considérer le latin et le grec autrement que comme l'apanage bourgeois d'une classe cultivée en quête de marques pour se distinguer de la plèbe?

    Distinguer le discours idéologique et la réalité de notre langue.

    En déshéritant les Français de la connaissance et de la maîtrise de cette structure, nous modifierons les mécanismes même de la réflexion.

    Si la grammaire latine est l'ossature du français comme le solfège l'est à la musique; et si la langue est -au delà d'un moyen d'expression un fondement même de la pensée; alors en déshéritant les Français de la connaissance et de la maîtrise de cette structure, nous modifierons les mécanismes même de la réflexion.

    Ce changement est déjà en cours, c'est le meilleur argument pour continuer le carnage.

    Je suis admiratif devant ces vieux de condition modeste qui, malgré l'âge et les rudes années de labeur, savent citer Ovide et des passages entiers de l'Iliade. Ils ont été au collège puis ont dû travailler. Ce ne sont pas des intellectuels, ils ont pourtant une pensée claire et un cœur rattaché aux fondements de notre civilisation. Faire ses humanités… Cette expression montre à quel point la culture de ces langues mortes n'a rien à voir avec quelque bon point qu'on s'attribuerait dans des salons mondains maintenant vides. Cela tient à une confrontation de l'homme avec son passé, ce qui l'a construit, ce qui forge sa pensée tant techniquement que moralement.

    Faire ses humanités… Cette expression montre à quel point la culture de ces langues mortes n'a rien à voir avec quelque bon point qu'on s'attribuerait dans des salons mondains maintenant vides.

    Passer en un demi-siècle d'une assimilation profonde à un tourisme spectateur de son propre être.

    S'imprégner d'une langue et d'une civilisation, de leurs mécanismes, de leur poésie. Structurer un esprit, comprendre notre parler, nous resituer bien humblement dans l'histoire: cela n'attire plus. Puis créer une sorte d'aménagement d'ateliers pseudo culturels qui nous donneront autant de proximité avec les pensées antiques qu'un touriste japonais qui se prendrait en selfie devant le Colysée ou le Parthénon: ça c'est dans l'air du temps. Voilà qui n'est pas anodin. Je ne sais pas si Bonaparte avait raison mais il disait que le génie français, c'est le français bien écrit. On peut dire qu'il en prend un coup.

    Le latin ça ne sert à rien. Pas plus que le grec. Pas plus que la littérature, ni aucun art à vrai dire. Sauf depuis que l'art contemporain est devenu numéro un en art de spéculer sur du vide.

    Est-ce que penser, être indépendant, être libre est efficace? L'école est-elle le lieu où l'on instruit un esprit pour lui donner des armes pour s'élever ou un lieu où on le formate en vue d'être un bon citoyen et un bon employé?

    L'anglais s'est révélé être la langue la plus apte à se faire simplifier encore, pour aller plus vite, faire de l'économie, du commerce. On ne pense plus, on capitalise les connaissances. On ne sait pas si c'est creux, mais on sait que ça fait l'affaire. Les Français ont brillé par l'esprit, les arts, la guerre dans un mélange subtilement paradoxal de mesure, de grandiloquence et de légèreté. Ils sont la dernière roue du carrosse en route pour le monde des finances où argent et efficacité se renvoient la balle sans cesse dans une frénésie qui se moque du bien et du beau, de l'humour et de l'amour. Voltaire le disait de manière bien imagée, il y a quelques années déjà: «le génie français est perdu; il veut devenir anglais, hollandais et allemand. Nous sommes des singes qui avons renoncé à nos jolies gambades, pour imiter mal les bœufs et les ours.»

    L'école est-elle le lieu où l'on instruit un esprit pour lui donner des armes pour s'élever ou un lieu où on le formate en vue d'être un bon citoyen et un bon employé?

    Et l'égalité des chances dans tout ça? Si le but parfaitement avoué de l'Éducation nationale est de faire table rase de toute attache pré-républicaine pour pouvoir semer dans l'esprit vierge de ses petits écoliers le bon grain de la bienpensance, la nécessité bien réelle de proposer un socle commun culturel à tous les ressortissants français reste en l'air.

    On dirait que les ministères en manque d'inspiration puisent dans la littérature anarchiste pour n'en tirer que l'esprit de sabotage. Dommage. Si le latin permet de mieux structurer l'esprit et de mieux comprendre le français, il en faudrait une double dose dans les quartiers où la francophonie n'est pas le lot quotidien. Ce serait ça, l'égalité des chances. Pourtant on voit des établissements qui ne proposent plus cet enseignement -même lorsqu'il y a demande. Si un élève sur cinq provenant d'un milieu favorisé fait du latin, il n'y en a qu'un sur douze en ZEP. Les nouveaux aménagements ne feront que creuser plus encore l'écart, rendant cette matière inaccessible.

    Pourquoi ne pas leur permettre de se réapproprier une culture qui leur est antérieure à tous? Pourquoi ne pas tourner des regards neutres vers l'antiquité?

    Pourtant le terrain est vierge; Cyprien, Bryan et Mourad sont tous sans armes devant Hérodote et Sénèque. Niveau zéro ou presque. Pas d'inégalité. Pourquoi ne pas leur permettre de se réapproprier une culture qui leur est antérieure à tous? Pourquoi ne pas tourner des regards neutres vers l'antiquité?

    Notre héritage est si riche que si nous prenions le temps d'y aller puiser au fil des âges comme à une source, nous y trouverions tout ce qui est nécessaire pour reconstruire notre société déliquescente, trouver des solutions nouvelles à des problèmes nouveaux. Dali le disait: «seule la tradition est neuve». Pour pouvoir renaître, il faut déjà admettre qu'on est né de quelque part. Nos gouvernants sont les seuls à ne pas l'avoir compris.


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    FIGAROVOX/HUMEUR - Jean-Marie Le Guen a défendu la réforme du collège sur LCP en indiquant qu'il ne s'agissait pas de s'intéresser seulement à quelques futurs agrégés de lettres classiques. La réaction de François-Xavier Ajavon.


    François-Xavier Ajavon est chroniqueur sur Causeur.


    Les politiciens sont des mammifères assez proches des humains, bien que totalement dénués de sens moral. Ils sont bipèdes et dotés de mains préhensiles. Ils se nourrissent aux abords du Palais Bourbon, du Palais du Luxembourg et -à l'heure où les grands fauves vont boire- s'abreuvent aux alentours de l'Elysée. Ils ont en général des métiers et on peut les classifier en trois sous-ordres: les avocats, les hauts-fonctionnaires et les médecins.

    Les politiciens sont des mammifères assez proches des humains, bien que totalement dénués de sens moral. Ils sont bipèdes et dotés de mains préhensiles.

    Jean-Marie Le Guen -Secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement- fait partie de la troisième catégorie. A l'instar de Che Guevara, Bernard Kouchner et Dominique Voynet, il appartient à cette caste des politiques qui savent nommer tous les os de la main (il y en a 27!), et de quelle manière on fait les bébés. C'est pour cette raison qu'il est intervenu sur la chaîne parlementaire LCP en fin de semaine dernière, afin de dire que le latin et le grec comptaient pour des prunes.

    La réforme du collège semble prévoir la suppression des cours de latin, de grec et des classes bilingues. Exit Virgile, Aristophane et Goethe. Le but étant certainement de favoriser le grand flux moderne du rien, allant de Nabilla à TF 1 en passant par Booba, Jean d'Ormesson et Conchita Wurst. Les gens de gauche au pouvoir faisant mine de ne pas comprendre que l'enseignement de la culture classique (dont on nous promet le maintien au travers d'un nébuleux module transdisciplinaire de «civilisation» antique, qui ne trompe absolument personne) est un rempart, un mur d'enceinte, un rideau de fer contre la bêtise.

    Exit Virgile, Aristophane et Goethe. Le but étant certainement de favoriser le grand flux moderne du rien, allant de Nabilla à TF 1 en passant par Booba, Jean d'Ormesson et Conchita Wurst.

    Le Ministre Jean-Marie Le Guen, fort de sa ressemblance scandaleuse avec le comique Bénureau, a vendu la mèche sur le plateau de Patrick Chêne l'autre jour. Le but est de procéder à «l'adaptation de notre école aux défis du XXI ème siècle». Il déroule en ces termes le ruban de son mépris: «Est-ce qu'il n'y a pas une polémique un peu académique? Est-ce que l'on pense que les défis, pour la grande masse de nos jeunes... (un silence) Il ne s'agit pas simplement de s'intéresser à quelques futurs agrégés de lettres classiques, que je respecte beaucoup, et dont je reconnais l'importance dans notre culture, mais il s'agit de former 80% d'une classe d'âge (un silence) et j'allais dire 100% d'une jeunesse qui a besoin de trouver ses repères dans le monde, et des compétences professionnelles. C'est ça l'enjeu. C'est pas de défendre les Lettres classiques...» (Un silence)

    C'est dommage, les médecins de Molière, dans le déferlement furieux de leur charabia truffaient -eux- la logorrhée de mots latins.C'était plus délicatement fleuri... Outre que l'on ne comprend pas très bien l'ambition finale: adoucir la chair à canon et la rendre tout à fait employable, réduire les effectifs de profs ou ferrailler (avec un cran imbécile) contre ce que certains appellent la «culture» d'une élite -on est fasciné par l'échec prévisible de l'opération. Virgile, Homère, Cicéron, Aristophane, Platon, Guillaume Musso, Lucrèce, et Thucydide seront toujours présents dans la bibliothèque -et la conversation- de certaines familles. Ailleurs, le dernier recours sera toujours ces quelques satanées années d'école obligatoires.

    Merci, Docteur Le Guen, pour la franchise de votre diagnostic. On attend maintenant une autre thérapeutique.


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  • Touche pas à ma 3e C, le coup de gueule d'un prof de ZEP

     

    FIGAROVOX/HUMEUR - Jean-François Chemain est professeur dans un collège de ZEP. Si la réforme du collège passe, sa meilleure classe pourrait diparaître. Pour la première fois, il va manifester.


    Jean-François Chemain est agrégé et docteur en Histoire, professeur dans un collège de ZEP


    «Ô égalité, que de crimes on commet en ton nom», ai-je envie de crier à la façon de Manon Rolland, dont plus aucun élève n'entend désormais parler! Je n'ai jamais fait grève de ma vie, mais là c'en est trop, ras le bol, la coupe est pleine... On va m'enlever ma 3e C!

    Qu'on se le dise en haut lieu, si on en a quelque chose à f....., j'ai choisi ce métier il y a dix ans pour enseigner l'histoire aux jeunes des «banlieues». Pas pour tenter de placer un mot entre un «nique ta mère» et un «starfallah», mot que d'ailleurs personne ne comprend, aussi simple soit-il, comme tout à l'heure «censure» qu'on m'a défini comme «une personne particulièrement collante». Si je suis de bonnes grâces les misères de l'enseignant, c'est parce que j'en goûte parfois aussi les splendeurs.

    De celles-ci ma 3e C est le fleuron, et je n'imaginais pas que la décrire amoureusement ferait un jour de moi un futur hors-la-loi. Classe bilingue anglais-allemand dès la 6ème, comportant un fort taux de latinistes, permettant au collège public particulièrement difficile où j'enseigne de limiter les stratégies d'évitement dans le privé, dans un quartier pourtant sensible. Et l'on y rajoute, en cours de route, quelques bons élèves des autres classes à qui on veut donner la chance de réussir sans être persécutés... Des gamins - aurai-je moi aussi droit aux foudres pour me livrer à ces «statistiques ethniques» sauvages? - presque tous issus de l'immigration (d'une bonne dizaine de pays différents), presque tous musulmans... Une classe avec laquelle on parvient à boucler, à peu près, le programme, au lieu qu'avec les autres on en fait la moitié...

    Que, par idéologie, on détruise cette chance, pour ces jeunes comme pour la France, comme pour moi, ça me révolte. Ce pays va crever d'être conduit par de soi-disant experts, alors qu'il lui faudrait l'être par des gens intelligents et humains, simplement.

    Une classe miracle, où l'Arménien est le meilleur ami du Turc (vrai!), où un soi-disant futur jihadiste m'a appelé pendant un arrêt maladie pour prendre de mes nouvelles, où tout le monde a applaudi l'annonce de l'accession d'une camarade à la nationalité française... Une classe où certains ont su s'étonner du manichéisme politique du manuel: car si le roman national est moribond, celui de la gauche s'y porte au mieux, merci, les trois dossiers donnés à l'étude sur la vie politique de la France entre les deux guerres étant la naissance du Parti Communiste, Léon Blum, et le Front Populaire. Ca ne leur a pas échappé. Une classe, quand même, où l'on s'est indigné des propos antisémites de l'entre-deux guerres au lieu de s'en réjouir.

    Ah, j'allais oublier, pour aggraver encore mon cas: cette classe a horreur qu'on la mette «en activité», comme il est bien vu de le faire, pour répondre à des questions bébêtes et cousues de fil blanc concoctées par les auteurs du manuel. Genre: «à partir des documents, montrez comment le Front Populaire a renforcé la République». Elle préfère entendre la voix du prof lui raconter l'histoire, lui transmettre ce qu'il a dans les tripes et qui lui donne des raisons de se lever le matin. «M'sieur, parlez encore, votre voix est si... mielleuse!». J'aurais préféré «envoûtante», mais bon... Je n'y suis pour rien, m'écouter les rassure et leur fait du bien. J'imagine que si l'on m'a donné mes diplômes, c'est parce qu'on me juge capable et digne de leur parler?

    Cela fait plusieurs années que j'ai les 3eC. Beaucoup d'entre eux vont ensuite dans les meilleurs lycées, j'en ai suivi en fac de droit, de médecine. C'est un bonheur, et un honneur pour moi de leur enseigner.

    Que, par idéologie, on détruise cette chance, pour ces jeunes comme pour la France, comme pour moi, ça me révolte. Ce pays va crever d'être conduit par de soi-disant experts, alors qu'il lui faudrait l'être par des gens intelligents et humains, simplement.

    «Dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne», quel que soit le temps, et pour la première fois, j'irai manifester! Pour moi, pour la République, pour la France, pour eux...

    Jean François Chemain


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  • Mardi 19 Mai 2015 à 15:30

    Propos recueillis par
    Alexandre Coste
     
     
    Les enseignants manifestent ce mardi contre la réforme du collège et la refonte des programmes portées par la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Parmi eux, Françoise Touitou, professeur d'allemand en Seine-et-Marne, est venue se battre contre ce qu'elle estime être "la mort l'allemand".
    Photos : Alexandre Coste

    Marianne : Pourquoi êtes-vous venue manifester aujourd'hui ?
    Françoise Touitou : Je suis contre la suppression des classes bilangues et européennes. Les classes bilangues sont faites pour les élèves qui veulent étudier plus les langues, mais, contrairement à ce que prétend Najat Vallaud-Belkacem, ce ne sont pas des classes élitistes. S'ils le désirent, les élèves peuvent continuer avec les classes européennes dès la 4e. Cela leur permet d'obtenir la certification, qui atteste d'un niveau en langue au niveau européen.

    Quels sont les profils des élèves de classes bilangues et européennes ?
    Ils proviennent d'horizons sociaux divers. Ce n'est pas du tout un rassemblement de « l'élite ». Dans mon collège, ce sont des élèves qui habitent de petits villages. Ce sont des bons élèves, certes, mais le niveau exigé par ces classes les boostent. Cela leur donne encore plus envie de travailler. Attention, on parle de « classes », mais il s'agit en réalité de groupes qui se retrouvent ponctuellement : les élèves sont dispatchés dans plusieurs classes. Ce sont des petits groupes, pas des classes spéciales, justement pour éviter ce fameux « élitisme ».

    De quelle manière la réforme du collège va avoir un impact sur votre matière, l'allemand ?
    Je crains, à terme, la mort de l'allemand. Les élèves ne pourront plus prendre l'allemand en première langue, en classe bilangue, un apprentissage qui commençait dès la 6e. L'allemand sera automatiquement relégué en seconde langue. Elle est choisie par très peu d'élèves, car l'espagnol est largement privilégié. Les classes bilangues avaient relancé l'intérêt pour l'allemand. Autre changement, la seconde langue commencera à présent en 5e, mais passera de 4 heures d'enseignement par semaine à 2 heures et demie. C'est aberrant !

    Pour quelles raisons ?
    Les enfants qui avaient des facilités perdent une occasion d'avoir un enseignement adapté à leurs capacités intellectuelles, tandis que ceux qui sont en difficulté vont se retrouver avec trois langues à apprendre dès la 5e ! Déjà qu'ils peinent à maîtriser le français...

    Vous allez donc perdre des heures d'enseignement ? Cela aura-t-il des répercussions sur votre salaire ?
    En tout, je passe de 18 heures d'allemand à 7 heures 30 ! Pour le salaire, c'est le flou total. Mon avis, c'est qu'il y aura maintien de salaire pour les profs titulaires. Les profs contractuels, en revanche, sont payés au nombre d'heures effectuées. Bien sûr, on en recrute de plus en plus, ils sont corvéables à merci. De plus, on en retrouve dans des matières où l'on peine à recruter, comme les mathématiques. On n'en parle peu mais il y a une véritable crise du recrutement. Déjà que ce métier n'intéresse plus grand monde, ça n'est pas en véhiculant l'image de l'élève qui s'ennuie que ça va arranger notre image...

    En ce qui vous concerne, la ministre de l'Education nationale annonce qu'il y aura plus de professeurs d'allemand recrutés...
    Comment peut-on recruter des profs d'allemand si moi, je perds la moitié de mes heures ? Il faut m'expliquer...


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