• "L'école n'est pas un loisir" (Marianne, 19.05.2015)

    Mardi 19 Mai 2015 à 17:30

    Propos recueillis par
    Alexandre Coste
     
     
    Les enseignants manifestent ce mardi contre la réforme du collège et la refonte des programmes portées par la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Parmi eux, Nicole, professeur de français depuis trente-quatre ans qui a vu péricliter l'enseignement de sa matière jusqu'à cette ultime réforme en trompe-l'œil qui va, selon elle, encore une fois profiter aux bons élèves.
    Photos : Alexandre Coste

    Marianne : Pourquoi êtes-vous venue manifester aujourd'hui ?
    Nicole : J'enseigne le français depuis trente-quatre ans et je pense que ce que l'on nous propose à l'heure actuelle, avec cette réforme, ne peut aller que vers une dégradation de l'expression écrite et de la réflexion. A partir du moment où l'on diminue les heures (en 1981, il y avait 6 heures de français par semaine, aujourd'hui seulement 4 heures), comment ne pas aller vers une dégradation ?

    On nous promet pourtant plus d'égalité entre les élèves...
    Cette réforme va encore une fois servir aux bons élèves. Ils s'en sortiront dans tous les cas de figure. Ils ont une capacité d'adaptation que n'ont pas les autres élèves. Un groupe d'élèves que vous allez faire travailler sur la mythologie, par exemple, va être capable de faire des recherches de façon autonome, de produire à l'écrit un travail de qualité. Ce que je vous dis, je viens de l'expérimenter. C'était dans le cadre de l'accompagnement personnalisé. J'ai fait travailler un petit groupe, mais je les ai fait travailler à un autre niveau. Dans certains établissements, ces heures d'accompagnement seront sacrifiées au profit des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI).

    Qu'en sera-t-il des élèves d'un niveau inférieur ?
    Un groupe d'élèves en difficultés ne va pas vouloir s'exprimer à l'écrit. Ces élèves ne pourront pas travailler de manière autonome, ils ne comprendront pas les tenants et les aboutissants des thématiques abordées dans les EPI. Quelles sont les connaissances tangibles qui vont rester face à des projets à l'intitulé nébuleux ?

    Il s'agit pourtant, nous dit-on, de tromper l'ennui des élèves !
    Tous les enfants s'ennuient en classe, à cause de notre société de loisirs. Mais l'école n'est pas un loisir. On ne peut pas apprendre strictement en s'amusant. Je fais rire mes élèves mais à un moment donné, ils doivent produire un effort.

    Quelle est votre sensibilité politique ?
    Je suis déchirée car je suis profondément de gauche. C'est donc pour moi un dilemme cornélien, parce que je suis également une latiniste convaincue ainsi qu'un pur produit de la méritocratie républicaine : mon père était simple agent de maîtrise. Aujourd'hui, je me trouve à cinq ans de la retraite, je pourrais dire « je m'en fiche ». Mais je ne m'en fiche pas, j'ai encore beaucoup à donner.


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