• « La réforme du collège à elle seule n’est pas une baguette magique » (Le Monde, 19.05.2015)

    http://www.lemonde.fr/education/article/2015/05/19/la-reforme-du-college-a-elle-seule-n-est-pas-une-baguette-magique_4636195_1473685.html

    Le Monde | 19.05.2015 à 11h22 • Mis à jour le 19.05.2015 à 11h42 | Par Adrien de Tricornot

     

    Qu’elle agace, inquiète ou non, la réforme du collège ne laisse pas les professeurs indifférents. Parmi eux, beaucoup mettent en avant la réduction de l’enseignement de leurs matières. Les nouvelles grilles introduisent notamment des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), censés croiser les disciplines. Résultat : pour Luc Destombe, 40 ans, professeur de mathématiques dans un collège de la Loire, « on touche à l’essentiel : l’emploi du temps de tous les élèves, et encore plus de ceux qui bénéficient d’options. En 3e, la perte va de trois heures par semaine pour un élève sans option, jusqu’à huit heures pour un élève avec une option latin et bénéficiant d’un accompagnement éducatif ».

    « Aujourd’hui, j’ai cinq heures d’enseignement hebdomadaire du français en 6e, auxquels s’ajoute une heure d’accompagnement éducatif, témoigne Tanguy Simon, 35 ans, enseignant en français à Elancourt (Yvelines). Dans les nouveaux programmes, j’aurai quatre heures et demie d’enseignement et je devrai, sur ce temps-là, consacrer une heure à l’accompagnement éducatif », déplore-t-il. Tandis que les nouveaux EPI sont perçus avec appréhension : « L’histoire des mathématiques, cela me passionne et j’en ai toujours fait. Mais imposer les EPI risque de ne pas convenir à tous les enseignants, et de limiter la liberté pédagogique », explique Luc Destombe.

    La réforme du collège verra l’introduction de l’enseignement d’une deuxième langue dès la 5e et s’accompagnera de l’arrêt des classes bilangues ou des sections européennes. Ce qui soucie Sylvain Fontaine, 40 ans, professeur d’éducation musicale au collège Robespierre d’Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), de même que « la disparition de l’option découverte professionnelle qui permettait d’avoir des stages et d’envisager de mieux préparer une orientation professionnelle. Au total, on risque de perdre un public que ça intéressait, et certainement aussi en mixité sociale ». « On va interdire à mes élèves volontaires d’apprendre dès la 6e une deuxième langue, trois heures par semaine pendant quatre ans. Et en contrepartie, tous les élèves auront deux heures et demie d’enseignement à partir de la 5e, ce qui est insuffisant et beaucoup moins efficace », ajoute Carine Tennenbaum, 41 ans, professeure d’allemand dans l’académie de Rennes, soulignant que la classe bilangue est ouverte « sans sélection ».

    « Il y a moins de contenu pour le contenu »

    La réforme des programmes, en débat, recueille de son côté des avis très divers. En français, « le flou des programmes permettra de faire à peu près ce que l’on veut… mais pas de la façon qu’on souhaite. Cela risque en réalité d’aggraver les inégalités entre collèges sur ce qui est appris », dit Tanguy Simon. Pour Luc Destombe, « en mathématiques, un quart du programme est retiré en 3e, pour tenir compte de la baisse des horaires : la géométrie plane et euclidienne disparaît ». Ce n’est pas l’avis de Gaëlle Bonjean, professeure de mathématiques à Pouzauges (Vendée) : « Dans le cadre des EPI, je peux très bien faire de la géométrie euclidienne », souligne-t-elle.

    « La réforme est une première pierre qui doit être complétée par une refondation de la formation des enseignants »

    Et la professeure d’applaudir : « Je trouve le nouveau programme de mathématiques très bien rédigé. Il y a moins de contenu pour le contenu. Ce sont de très bonnes intentions qui s’expriment, et il faudra vraiment des enseignants extrêmement enthousiastes, ce qui est difficile avec des classes surchargées. » Pour Mme Bonjean, en effet, la réforme n’est pas le problème : « Ce qui me fait le plus souffrir – et mes collègues aussi –, c’est de ne pas pouvoir aider les élèves en difficulté dans une classe de 30, même si j’ai beau préparer plusieurs cours pour plusieurs types d’élèves, et quatre ou cinq types de devoirs différents pour la même classe. A 20 ou 25 élèves, ce ne serait pas pareil. Mais là, on se sent impuissants. »

    Pour Christophe Chartreux, 57 ans, enseignant en français et en histoire-géographie en Seine-Maritime, « la réforme à elle seule n’est pas une baguette magique, mais elle est une première pierre qui doit être complétée par une refondation de la formation des enseignants et un travail extrêmement important en direction des parents » pour les associer au collège. « Si les enseignants la prennent à bras-le-corps et y vont à fond, la situation des élèves les plus en difficulté s’améliorera », pense-t-il. « Le collège se contente de trier », déplore M. Chartreux. Pour lui ce « petit lycée » qu’est le collège devrait changer et mener sa propre vie.

    Lire aussi : Le collège idéal vu par les ténors de la droite

     

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       Adrien de Tricornot
      Journaliste


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